Rappelons les faits. Le 4 septembre 1870, apprenant la défaite de Napoléon III à Sedan, le peuple de Paris se soulève, envahit le Palais-Bourbon, proclame la république, et donne naissance à un gouvernement de la Défense nationale destiné à poursuivre la guerre. Les Prussiens sont bientôt aux portes de Paris, ville fortifiée, entourée de remparts depuis les années 1840. Le blocus de la capitale commence le 19 septembre. C'est au cours de ce blocus, qu'on appellera le « siège de Paris », que prend forme l'idée d'une « Commune ».
En effet, tandis que Léon Gambetta quitte Paris en ballon pour Tours afin d'y organiser la défense du territoire, le gouvernement provisoire, présidé par le gouverneur militaire de Paris, le général Trochu, et dirigé par les trois « Jules », Favre, Ferry et Simon, avec Ernest Picard, s'attire une critique de plus en plus violente de la part des porte-parole des milieux populaires.
La garde nationale de Paris
A côté de l'armée régulière et de la garde mobile, la principale force de Paris réside dans la garde nationale, soit environ 250000 hommes en armes, recrutés et organisés par quartier, élisant ses chefs, appartenant depuis le 11 août 1870 à toutes les classes sociales, et qui veulent en découdre. Les bataillons des arrondissements de l'Est parisien en particulier réclament la « sortie en masse » et la «guerre à outrance » (d'où leur surnom, les « outrances »). Trochu le leur refuse, se contentant de quelques escarmouches dans la banlieue.
Le conflit entre ces bataillons populaires de la garde nationale et le gouvernement se cristallise dans la journée du 31 octobre 1870, quand, entraînés par quelques chefs populaires comme Gustave Flourens, les outrances prennent d'assaut l'Hôtel de Ville, où siège le gouvernement, avec la ferme intention de constituer une Commune, c'est-à-dire un gouvernement révolutionnaire résolu à vaincre l'ennemi, en prenant toutes les mesures nécessaires. Ils échouent en raison de leurs divisions et du retour en force des gardes nationaux des « bons arrondissements » qui délivrent les membres du gouvernement.
Mais ces réfractaires continuent à réclamer la sortie en masse, et, lorsqu'ils apprendront que Jules Favre, au nom du gouvernement provisoire, est allé à Versailles négocier un armistice avec Bismarck, ils tenteront de se soulever à nouveau le 22 janvier 1871.
Thiers décide de désarmer l'armée populaire
L'Assemblée de Bordeaux prend une série de décisions qui exaspèrent la population parisienne : l'abolition de la solde des gardes nationaux, la fin du moratoire des loyers, l'exigence de paiement des effets de commerce, qui avait été suspendu pendant le siège. A ces mesures maladroites qui gênent les plus pauvres mais atteignent aussi la petite bourgeoisie s'ajoutent deux mesures symboliques. La première est la décapitalisation de Paris: les « ruraux », comme on appelle les députés de l'Assemblée (ils sont issus en majorité des campagnes), décident que le nouveau siège de l'Assemblée sera Versailles3. La seconde est une autre épreuve d'humiliation : les Prussiens auront le loisir d'entrer et de défiler dans Paris. Thiers ayant jugé que Belfort valait bien une petite occupation de Paris par les uhlans.
Toutefois cet accord n'allait pas jusqu'au désarmement de la garde nationale. Celle-ci ne dépose pas ses fusils et, sur tout, les canons dont elle s'est dotée, une bonne part par souscription, restent en ses mains. Dans les jours qui précèdent l'entrée des troupes allemandes, le ler mars, les gardes nationaux mettent ces canons en sûreté, sur la butte Montmartre notamment.
Pendant ces semaines qui suivent les élections du 8 février, la tension ne cesse de croître entre Paris et le gouvernement de Thiers. La majorité des bataillons de la garde nationale se fédèrent — et ces fédérés ayant élu des chefs réunis dans un comité central refusent de se soumettre au commandement officiel du général Aurelles de Paladines. La dissidence est en marche. Thiers, rentré à Paris avec les ministres, décide alors de désarmer cette armée populaire avant la réunion de l'Assemblée à Versailles prévue pour le 20 mars. Encouragé par Jules Ferry, il choisit la manière forte.
L'armistice du 28 janvier 1871 est signée
Le 28 janvier, l'armistice est signé : Paris doit capituler. Le titre d'un opuscule, rédigé par Flourens, résumé bien le sentiment d'une large partie de la population parisienne, au-delà sans doute de sa partie militante : Paris livré.
Les conditions de l'armistice faisaient obligation au gouvernement de la défense nationale, dont Bismarck ne reconnaissait pas la légalité, de procéder à des élections aux fins de décider de la paix ou de la guerre.
Le 8 février, ces élections d'une Assemblée nationale ont lieu dans un pays en large partie occupé et dans une précipitation exigée par les Allemands. Le résultat en est la victoire très nette des monarchistes, se donnant pour le parti de la paix, sur les républicains, réputés vouloir la reprise des combats.
Paris, profondément républicain, s'offense de ce résultat et craint une restauration. Réunie à Bordeaux, où Thiers devient le 16 février « chef de l'exécutif », l'Assemblée doit d'abord s'occuper des conditions de la paix. Nombre de députés républicains, à l'exemple de Victor Hugo, refusent l'annexion de l'Alsace et de la Moselle que Thiers est amené à concéder aux exigences de Bismarck et démissionnent.